C'était complètement absurde, complètement. Pourquoi avais-je accepté, déjà ? Je n'étais même pas capable de me trouver une excuse. Et j'étais là, en direction du gymnase, avec ce foutu paquet entre les mains. Ce que je pouvais être stupide parfois. Un inconnu en plus ! Je ne savais même pas ce qu'il y avait dans ce paquet minuscule et mal emballé.

Je traversais la route qui menait au gymnase déjà visible, je sentais les cailloux sous les semelles trop fines de mes chaussures. Soudain je trébuchais contre une grosse pierre et le paquet m'échappa des mains. De prime abord, je pensais à mes chaussures, elles n'étaient pas neuves mais elle furent bien amochées par le coup. Quant à l'emballage, sa mauvaise qualité ne supporta pas le choc et se défit, son contenu éparpillé sur le sol. "Cruche" pensais-je à cet instant. Mes yeux se dirigèrent vers le sol avec exaspération. Des cigarettes au chocolat ?
Décidément je jugeais la situation de plus en plus absurde. D'un autre côté, je ne risquais pas grand chose avec ces cigarettes en chocolat, ainsi décidais-je de les ramasser et de finir ma livraison. J'entrepris de les déposer délicatement une par une dans un mouchoir en papier que j'avais extirpé de mon sac au préalable. Je n'allais pas utiliser le papier déchiré pour y remettre les cigarettes, mais tout de même, je n'allais pas non plus laisser traîner ça parterre telle une rustre.
Je saisis le papier et remarquais une inscription à l'intérieur de celui-ci. "De la part de Julien". Un cœur était dessiné à côté du prénom. Ce devait être ce fameux Julien à qui j'avais accepté de rendre ce saugrenu service. Je décidais finalement de conserver l'emballage, ainsi je n'aurais pas besoin d'expliquer la situation à mon destinataire inconnu.

Le soleil avait daigné se montrer, l'air était doux et l'herbe fraîchement coupée embaumait l'atmosphère. Et puis, ça n'était que des cigarettes en chocolat. De meilleure humeur, j'entrais dans le gymnase afin d'y trouver "Serei".
Face à ma corpulence, la porte du gymnase était lourde, c'est non sans peine que je la poussais. En entrant, j'entendis des voix. Mais en réalité, il n'y avait qu'une seule personne dans ce gymnase et après une courte déduction, celle-ci parlait seule.
Amusée par ce singulier spectacle, pourtant pas si choquant, je l'observais quelques instants, l'oreille tendue.

- Alors comme ça, vous venez de faire l'acquisition d'un parfum rare...? Oui, rit-il discrètement, c'est une exclusivité de Noël, chocolat à l'orange... Aah ! Et le basket alors ? Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

Il marqua une courte pause. Puis reprit :

- ... Avez-vous déjà entendu parler d'une terre aux vertus médicinales ? ... Eh bien...

Tout en me demandant si j'avais été l'intruse d'une scène d'intimité, je décidais de lui apporter le paquet et lâchais la lourde porte, qui se refermait lentement. En le regardant mimer un fumeur, je me rendis compte qu'il possédait des cigarettes semblables à celles du paquet que je portais et j'en conclus qu'il devait être le Serei en question. La porte se referma d'un son sourd.

Je m'approchais discrètement, à une distance qui n'était ni trop lointaine pour être qualifiée de froide et impolie, ni trop proche pour être familière. De si près et de profil, je pouvais constater qu'il était asiatique. Du moins d'origine. Je me rappelais alors que j'avais été chargée d'une mission et lui tendis le paquet en question, l'inscription en évidence :

- Excusez-moi, on m'a demandé de donner ce paquet à un certain Serei ...?

A ma question, le jeune homme perdit ses moyens. Il ne s'attendait visiblement pas à ce que quelqu'un vienne l'interrompre dans son monologue. Je crus d'abord que sa cigarette viendrait toucher le sol mais il la rattrapa avant que je n'eus le temps de réagir. Plutôt adroit malgré les apparences. Après quelques absences, il prit finalement le soin de finir de manger sa cigarette avant de me répondre. Il semblait penser de façon contradictoire car ses gestes étaient un peu désordonnés. Il avança d'un pas :

- Serei, c'est...moi. Oui.

Un soupir de soulagement tinta dans mon esprit. Je fus confortée dans ma pensée, c'était bien le Serei que je cherchais. Les doutes s'étaient quasiment dissipés mais je ne pus m'empêcher de me sentir libérée. Il regardait le paquet, ses yeux étaient comme deux billes noires, son regard celui d'un enfant devant son cadeau.

- C'est de la part de qui ? demanda-t-il.

Je restais silencieuse à sa question, pensant qu'il verrait tôt ou tard la réponse. Lorsqu'il prit le paquet que je tenais, son geste presque imperceptible me laissa voir une cicatrice sur sa main. Il n'avait pas l'air turbulent, j'imaginais que le sport en était la principale cause. Je lui en parlerai peut-être plus tard, si je venais à manquer de conversation. Je lâchai le paquet pour qu'il puisse l'examiner. Mon regard croisa le sien, j'ai toujours été fascinée par les yeux noirs, ce dont on ne peut distinguer la pupille de l'iris. Sculptés par leurs paupières bridées, ceux-ci étaient d'une magnifique finesse. Il souriait et cela me rassura un peu, il y a quelques instants, je crus être la malvenue dans ce gymnase.
Je regardais Serei défaire son paquet tel un enfant, cela ne dura que très peu de temps et il aperçut rapidement le nom de l'expéditeur de ce petit cadeau. Il semblait surpris, ce qui me surprit à mon tour. Néanmoins cette stupeur s’accompagna d'un sourire qui me laissa supposer que "Julien" n'était peut-être pas un inconnu, mais sûrement quelqu'un d'assez original, voire même attentionné.
Serei me remercia chaleureusement de la livraison, je ne regrettai pas de l'avoir faite. C'était un charmant garçon.

- Tu...

Le garçon s'interrompit, farfouilla quelques secondes dans son sac, et me tendit une de ses cigarettes au chocolat.

- Vous en voulez une ? Elles sont au chocolat et à l'orange.

Il se ravisa de me tutoyer. Je fus contente de sa proposition, aussi décidai-je d'accepter une de ces cigarettes au chocolat et à l'orange. Après tout, j'aimais beaucoup ce parfum. Je lui rendis ses sourires et accepta son offre :

- Avec plaisir, merci ! répondis-je en saisissant l'une d'entre elles que je plaçai entre mes lèvres.
Je repensais à la scène de mime et tout exécutant des gestes distingués avec ma cigarette, je relançais avec un regard complice :

- ... Vous savez, cette terre dont tout le monde parle, l'argile... A l'antiquité déjà...Hippocrate même en prônait les vertus !...

Je ne sais trop ce qui me prit de dire ça, mais je fus amusée par la tournure des évènements, je souris en grignotant la cigarette. Je dus lire cela dans une des encyclopédies que je parcourais. Un peu fatiguée de mes aventures, je décidai de m'asseoir sur l'un des tapis bleus, en prenant le soin de me mettre face à mon interlocuteur.
Je n'avais jamais eu de vrais amis dans "l'autre monde". Et si c'était le destin qui m'avait mené sur cette île, je devais en profiter pour changer ma vie et la rendre meilleure. J'appréhendais la réaction de mon nouvel interlocuteur.

En réalité, je me sentis vraiment mal à l'aise à l'idée qu'un inconnu puisse être témoin de mon médiocre jeu d'actrice. Je me devais d'y mettre fin rapidement ou je me maudirais jusqu'à la fin de mes jours. Je me voyais déjà ressasser ce pitoyable passage de honte dans mon lit en le regrettant dans ses moindres détails. Le garçon affichait un regard perplexe qui me terrorisait.

"- Je..." balbutia-t-il. Ce "je" me fit sombrer dans un profond sentiment de confusion. A la réflexion, je pense que cela ne devait pas être vraiment apparent, mais il est certain que mon regard se fit hébété et mon sourire, incertain. De ma vie, je ne fus jamais aussi stupide qu'en cet instant.

"- Ah oui ? Tiens donc... Jamais je n'aurais pensé que les vertus de cette terre, du moins la reconnaissance de ses bienfaits, remontaient à si loin..."

Je ne sais par quel moyen le garçon trouva la force de répondre à ma stupide phrase tout en restant calme et en ne me traitant pas de fille louche. Deux hypothèse s'offraient alors à moi : ce garçon était très poli, ou bien, il ne possédait aucune capacité de jugement. Et cette deuxième fut si peu probable que cela ne résolut aucunement mon problème. Je me détendis un peu lorsque je remarquai que Serei était doté d'un jeu d'acteur bien meilleur que le mien, voire même plutôt très bon. Passionnée de lecture, j'adorais le théâtre. Je désirais savoir si Serei était un amateur de théâtre ou de cinéma. La scène était même devenue assez amusante par son côté décalée, ce qui me fit le bénir.

"- Pensez-vous que nous pourrions mettre la main sur cette pâte ?...Au sein même de cet îlot sur lequel nous sommes échoués, j'entends."

Son air d'artiste distingué me fit sourire. L'architecture du gymnase et ses éléments vivement colorés dénotaient complètement avec le ton de la conversation. Il se tourna vers moi et me fixant à travers ses lunettes aux verres presque opaques, décida de l'incliner, dessinant des courbes dans l'air à l'aide de son bras. Je fus enchanté par les mouvements qui me bercèrent l'espace de quelques secondes, me promettant de m'en souvenir longtemps, jusqu'au moment où ses lunettes s'échappèrent de son nez, me laissant voir nettement son visage. Il les rattrapa d'un geste vif et opéra une diversion de dernière minute pour parfaire son interprétation. J'aperçu alors un vilain bleu sur sa main gauche. Je percutais : l'argile, ses vertus, bien sûr.

"- Je me prénomme Serei, mademoiselle. Serei Smera, chevalier de cet endroit familièrement appelé « gymnase »..."

Le chevalier du gymnase était une idée qui me ravit de suite. Et quel joli nom ! Je me demandais quelle était son origine. Il faisait figure pour moi d'un personnage très mystérieux. D'un haussement de sourcil il ajouta :

"- Je ne crois pas vous avoir déjà vue... Vous êtes ?"

Prenant un air profondément concerné, je fis mine de prendre une bouffée de fumée. Je le regardais dans les yeux et m'inclinant à mon tour de la manière la plus humble possible, je pinçais un morceau de ma robe imaginaire, la tirant légèrement vers le haut :

"- Je me prénomme Sasha Melia, simple roturière dont le sort m'a mené ici. Il semblerait que Messire Smera soit blessé à la main et en quête d'une terre aux qualités régénérantes."

Je pensais sauver mon pauvre vocabulaire à l'aide du rôle de la roturière, à chacun ses subterfuges. Cette histoire d'argile m'aidait à me dépêtrer de la situation délicate dans laquelle je m'étais mise.
L'argile était disponible à différents endroits sur Edna, je pensais notamment à des pharmacies ou des magasins de produits biologiques. Peut-être même dans certains rayons de cosmétiques. C'était bien là une parole de fille...

"- Je connais bien quelques endroits où l'on vous en proposeraient à prix honnête..."

J'esquissais un sourire, je ne pus m'empêcher de grignoter le bout de ma cigarette dont l'odeur me titillait déjà depuis un moment. Je finis de mâcher discrètement et repris :

"- Vous résidez donc à l'Université, Messire ?"

Avec un peu de chance, nous serions camarades, je connaîtrais quelqu'un de sympathique dans mon nouveau lieu de vie. Je songeais alors à la très ennuyante vie que j'avais mené avant d'arriver sur Edna, cela faisait à peine un mois que j'étais arrivée et mon train de vie était déjà différent. J'étais partagée entre la peur et l'excitation que vous procure l'entreprise de quelque chose de neuf et d'imprévu.

Lorsque Serei évoqua la page et les cocotiers, j'eus l'envie soudaine d'y aller. Cela faisait un moment que je n'avais pu profiter de l'air marin, de la chaleur, et du paysage qu'offrait la mer à perte de vue. Il y avait quelque chose d'extrêmement apaisant lorsque l'on regardait cette étendue d'eau. La contemplation de la mer faisait partie chez moi des moment de plénitude où le reste du monde n'avait plus d'importance. Cette phrase m'avait portée assez loin pour que je sourisse les yeux dans le vague.
Serei me retourna la question, je revins sur la terre ferme. Seulement à peine eut-il prononcé ces mots que son ventre gargouilla. D'un air embarrassé, Serei me proposa de manger un bout et enfila son sac avant même d'avoir reçu une réponse. Moi aussi, j'avais un peu faim, à vrai dire. Je lui précédais le pas comme celui-ci me l'avais indiqué. Mais peu à peu je me remis à son niveau, je n'aimais pas tant que ça, marcher en tête de file. Surtout à deux.

- Il semblerait que nous arpentions les mêmes couloirs !" dis-je pour répondre à sa question. "Je serais ravie de partager un repas en ta compagnie. Cela fait longtemps que tu fréquentes ces lieux ? Je suis arrivée il y a peu et je n'ai pas vraiment foulé les contrées environnantes !"

J'aimais le fait que Serei prenne des initiatives, j'étais toujours un peu timide, ou peut-être trop prudente, avec les inconnus que j'appréciais. Sans doute avais-je peur de décevoir. Ma tentative de tutoiement contrastait avec la conversation mais je ne voulais pas mettre de distances inutiles.

J'embrayais sur une autre question.

- "D'ailleurs Serei, comme tu parlais de plage, je me faisais une réflexion... Edna est une île, n'y a t-il pas une seule plage ? Cela me paraît très étrange." avouais-je. En réalité, j'avais déjà vu la plage, le bateau avec lequel j'étais arrivée était passé devant avant d'amarrer au port. J'espérais simplement profiter d'une balade en sa compagnie, un de ces jours.

Tout en embrayant sur des tentatives de rapprochement, je me rendis compte que nous avions franchi la porte du gymnase et que nous gravissions à présent le chemin sableux et caillouteux par lequel j'étais arrivé il y a quelques minutes. Nos chaussures passaient dessus en faisant des bruits secs de manière régulière.
Je pris soin de ne pas trébucher, cette fois. Cela aurait été bien embarrassant si Serei venait à assister à une scène aussi ridicule !

Je jetais de bref coups d’œil à Serei, ses traits se dessinaient différemment selon l'angle de vue et la lumière. Son regard était à la fois froid et doux. Un peu comme la neige. En tout cas, il était un très beau garçon et il me plaisait de l'observer. Je fis néanmoins attention à ne pas le dévisager. Mais tout de même, j'étais un peu cucul comme fille.

Je crois que ma remarque avait envoyé Serei loin, très loin du monde dans lequel nous vivions. Je m'en voulais un peu, j'étais un train de repasser ma question en mémoire pour voir si quelque chose clochait, mais impossible de savoir d'où provenait le problème. J'étais un peu exaspérée de moi-même, j'attendais patiemment que Serei m'éclaire davantage. Mais je fus d'autant plus déstabilisée et gênée que Serei émit un léger rire. Je me demandais si ma remarque était drôle... Je me tromper sur quelque chose d'évident à ses yeux. Peut-être n'y avait-il pas de plage fréquentable sur Edna ? Je ne voyais pas d'autres explications, cela me parût d'ailleurs fâcheux. Ma vision s'était raccourcie, elle se raccourcissait toujours lorsque je paniquais. D'ailleurs, je ne devais pas avoir l'air tranquille. Serei remit ses lunettes de soleil. Apparemment, il était sensible car il effectua ce geste lorsque nous quittâmes l'ombre. Ça lui donnait un drôle de look, il avait la classe.

- Je ne sais pas à quoi est-ce qu'on compte les plages, en vérité..

Si je m'attendais à ça ! J'avais passé sa phrase en revue, puis la mienne. Décidément Serei avait de l'humour. Enfin, je pensais que c'était de l'humour. Son rire qui suivi me conforta dans cette idée.

- Mais nous pouvons...on peut aller déambuler au bord de celle où je vais parfois marcher pour me...Détendre ou juste pur me promener. Je pensais prendre quelque chose à emporter. Je parle de sandwich. J'aime bien le pain de mie quand il est moelleux, et très frais surtout. Presque à peine cuit. Enfin, tu sais, quand on faire cuire le pain et qu'il est très clair... C'est ce genre de pain que j'aime le plus.  

Je l'écoutais me parler de pain de mie et de sandwiches. Serei s'était emporté dans son discours, c'était assez mignon. Lorsqu'il parlait de ce pain de mie qu'il aimait tant, il avait une sorte de lueur dans les yeux, chose que je déduis au ton de sa voix qui m'indiquait qu'il était ébloui. Car en effet, avec des solaires sur le nez, je voyais plus trop ses yeux. C'était dommage, ils étaient très agréables à regarder.

- Et sinon, je suis ici depuis quelques années. Courtes années. Trop courtes : je n'ai pas encore eu l'occasion de me faire des amis dignes des quatre mousquetaires, et c'est une chose bien dommage. Mais je suis ravi à l'idée de me promener au bord de l'eau avec quelqu'un. Ah et encore merci pour les cigarettes de Julien, je me demande d'ailleurs pourquoi il t'a envoyée au lieu de venir lui-même. Surtout que je suis passé ce matin à la cafétéria, il aurait pu me les donner... Mais s'il n'en avait pas eu la flemme ou que sais-je, nous ne nous serions pas rencontrés, et je lui en suis donc redevable. Reconnaissant plutôt. Peut-être les deux...? Enfin ! J'espère que manger un sandwich ne te rebute pas, tu n'aimes peut-être pas ça... C'est un peu un repas de...flemmard ? Je ne sais pas cuisiner, alors je mange souvent des sandwichs, sauf quand j'ai le temps de prendre des plats à la cafétéria ou d'aller au restaurant, ou dans un café aussi. Quoiqu'on n'y mange pas, dans les cafés... Je parle beaucoup, excuse m'en...

Mon esprit se baladait dans le mot que Serei prononçait, sans s'arrêter. Je passais des Mousquetaires à Julien et de Julien aux sandwiches et des sandwiches aux cafés... C'était une sorte tourbillon qui me transportait d'une agréable façon. Heureusement, car ainsi je n'avais pas trop besoin de parler. Il m'adressa un sourire auquel je répondis.

- Aucun problème, répondis-je, ça n'est pas gênant du tout, j'adore les sandwiches ! Allons les acheter, nous nous promèneront comme tu l'as proposé, ça m'a l'air vraiment bien.

Un peu nulle, comme réponse. En tout cas, moi j'aimais bien les sandwiches, quand ils provenaient d'une bonne boulangerie. Ceux des supermarchés étaient bien pour dépanner mais au niveau du goût, ils étaient écœurants, trop mous, trop imbibés des ingrédients pas frais qui le composaient. A la fin, on en a toujours plein les doigts.

- Ah au fait, pour Julien, il m'a confié ça parce qu'il travaillait encore à la cafet, il m'a dit qu'il ne pouvait pas se déplacer...

Je me dis que peut-être me parlerait-il de Julien. Ça devait être son petit ami, ou quelque chose comme ça, ils étaient mignons ensemble. Dommage, parce que Serei était pas mal ! Cette île était-elle peuplée de beaux garçons ? On se croirait dans un roman pour jeunes filles.

Nous arrivâmes à la fac et d'un geste galant, Serei me convia à le précéder. Lorsque je souriais, des fossettes se dessinaient légèrement, ce qui me donnait un air enfantin. C'était une amie qui me l'avait fait remarquer une fois, dans un contexte qui ne s'y prêtait pas du tout, cela m'avait marquée.

En tout cas Serei n'avait pas l'air d'apprécier beaucoup l'odeur des sandwichs au fromage ce qui était bon à savoir, car j'aimais bien ce Serei. Du moins, du peu que nous avions échangé, Serei était quelqu'un de très calme et doux, des qualités qui me laissaient toujours une bonne impression. Les gens sereins m'inspiraient la confiance, de manière générale. Non pas que j'eusse peur de l'imprévisible, mais à terme, je ne pouvais pas m'y accommoder. Et même si ça n'avait que peu de rapport avec son caractère, sa carrure masculine et fine à la fois ne me laissait pas de marbre, et j'imaginais que je ne dus pas être la seule dans ce cas... D'ailleurs, Julien devait lui aussi partager mes pensées !

- "A vrai dire, je ne suis pas très fromage..." avouais-je finalement. "Enfin surtout les fromages forts, comme le camembert, ou le bleu... Quoique le camembert est plus odorant... Enfin, tu comprends !" ajoutai-je avec un sourire gêné.

Bonnes ou mauvaises, il était certain que je n'aimais pas les odeurs envahissantes.... En tout cas, je n'étais pas habituée à parler de fromage avec des inconnus, cette conversation incongrue qui n'avait que peu d'intérêt, m'amusa. Je me sentais tout de même un peu ridicule, à discuter de camembert avec un garçon qui me plaisait. Super drague, je m'en souviendrai à l'avenir. Quant aux sandwiches sur mesure, je m'en réjouissais d'avance, mais j'espérais que Julien n'en serait pas embêté... Il avait l'air d'un gentil garçon et le travail à la cafétéria devait être quelque peu épuisant. Voir deux gus débarquer pour se faire des compositions personnelles alors que les sandwiches prédéfinis étaient déjà "cellophanés", prêts à la vente, cela risquait sans doute d'interférer dans son service. Je ne voulais pas abuser de sa générosité. L'intention de Serei me toucha néanmoins, et je l'imaginais mal, lui aussi, profiter de qui que ce soit. Il devait vraisemblablement être proches.

- "Si cela ne l'ennuie pas, je veux bien. De toute façon, j'ai pas le ventre à chipoter actuellement, alors même un sandwiche normal, ça me convient !" riais-je doucement.

Après le camembert, la gloutonnerie. A ce rythme, je devrais aborder la digestion, ça complèterait le tableau des pires premières impressions ! Ah, non mais. Toujours était-il que son discours sur le poulet trempant dans la mayonnaise m'avait résolument convaincue à ne pas opter pour un poulet mayo.
Je souris de nouveau, avant même que je ne m'en rende compte, nous étions arrivés à la cafétéria !

(Hors-jeu : Salut Serei ! Je propose, que nous passions à la cafétéria, qu'en dis tu ?)