Des chiffres et des fleurs.

[En espérant que cela aille !]
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- Shalom alekhem, onkel.
- Alekhem shalom, plimenik ! File enfiler un tablier et aide-moi à sortir les fleurs.

Hélianthème passa derrière le comptoir jusque dans la réserve et revêtit l’un des tabliers vert sombre suspendus à une patère. C’était un matin froid qui invitait à rester blotti sous la couette, raison pour laquelle le jeune homme était en retard à la boutique de son oncle.

La vitrine s’enflammait déjà de tournesols et d’azalées lorsque Hélianthème sortit les hellébores, connues sous le joli nom de « roses de Noël ». Le centre commercial, plus chaud que l’extérieur et protégé des intempéries, permettait à Daniel Fruman et son neveu de vendre des plantes hors-saison. Après quelques temps, les deux hommes finirent d’arranger la devanture et rentrèrent boire du thé et des croissants en attendant les premiers clients.

- Tout va bien, onkel ?
- Ça pourrait aller mieux. Je pense que je vais te laisser tenir la boutique seul aujourd’hui parce que j’ai attrapé froid, je préfère ne pas tenter le diable. Ça ira ?
- Bal. Ce ne sera pas la première fois. Gai gezunterhait, porte toi bien.
- Arrête de parler yiddish ! Tu sais bien que ça énerve ta mère.
- A gesheft hob nicht. Je m’en fiche.
- Ma pauvre sœur ! Allez, bonne chance. Ou plutôt… Zol zein mit glik !

Daniel fit un clin d’œil à son neveu avant de partir. Hélianthème se retrouva seul devant des miettes de pâtisseries et une tasse fumante, au milieu de l’odeur de végétation qu’il avait appris à aimer. Son oncle, ce géant connu pour son tempérament bagarreur et son redoutable direct du droit, était considérablement diminué depuis une rupture d’anévrisme 17 ans plus tôt.

Les clients ne venaient toujours pas – il faut dire qu’il n’était même pas dix heures. Hélianthème débarrassa les restes de son petit-déjeuner, essuya ses mains sur son tablier et fit un petit tour d’horizon, coupant quelques fleurs fanées, arrangeant un bouquet, mettant en avant quelques essences rares qui avaient toujours un grand succès. Depuis bientôt un an qu’il avait arrêté les cours, le métier commençait à rentrer. Reconnaître les fleurs, connaître leurs significations, pouvoir composer un bouquet en prenant compte des paramètres comme la couleur ou la période de floraison… Tout cela, il commençait à l’assimiler, développant un bon instinct. Les plantes étaient comme autant de jeunes femmes aux tempéraments divers, il fallait presque une sensibilité amoureuse pour en prendre soin.

Ayant fait le tour de ses pensionnaires, Hélianthème revint derrière le comptoir et alluma l’ordinateur pour s’occuper des comptes. C’était une petite récréation pendant laquelle il pouvait renouer avec son amour fusionnel des chiffres. Jamais les comptes n’avaient été aussi bien tenus avant que le jeune homme ne prenne les choses en main. Plongé dans les mystères obscurs de la comptabilité, Élie n’entendit pas son premier client de la journée entrer.

J'entrais dans une boutique de fleurs que j’appréciais déjà, pourquoi étais-je ici? Je suis entré pour pouvoir décorer ma chambre de quelques fleurs même si je ne m'y connais que très peu.
Je marchais d'un pas discret en observant toutes les fleurs présentes, je les trouvais magnifiques; je fis un petit bond lorsque je vis un jeune garçon derrière son comptoir. Je m'approchais jusqu'à me retrouver devant lui mais je n'osait pas le perturber.

- Bonjour, Lançais-je timidement

Je le regardais, il m'intriguait un peu, on aurait dit un étudiant il avait vraiment l'air jeune. Je passais ma main dans mes cheveux ce tic que je déteste plus que tout.

Élie sursauta, entra un "8" à la place d'un "2" et cliqua sur Entrée, validant par la même une transaction incorrecte.

- A broch !

Il s'empressa de corriger sa faute de frappe avant que la banque n'appelle son oncle pour le prévenir que la boutique était dans le rouge avant de se rendre compte que s'il avait sursauté, c'est parce que quelqu'un lui avait parlé. Une jolie voix fraîche.

Il leva les yeux sur une très belle fille avec des yeux couleur de mer sous un ciel gris, des lèvres comme deux pétales de tulipe, la peau douce avec une constellation de grains de beauté. Il rougit, toussota et s'empressa de se lever pour venir à sa rencontre.

- Je suis désolé, j'étais en plein dans les comptes... Bienvenue à Un Air de Campagne ! Avez-vous fait votre choix ? Dans le cas contraire, je suis à votre disposition si vous avez la moindre question.

Je fus d'abord un peu surprise lorsqu'il dit "A broch !", puis après qu'il est commencé à parler, je lui souris.

- Je ne vous ai pas fais peur ? Je venais pour prendre des fleurs, seulement, je ne m'y connais pas très bien, dis-je honteusement, Ce serait pour ma chambre qui est vide et je pense que quelques fleurs la rendrait plus jolie... Au fait, je ne me suis pas présentée, mon nom est Kat... Kat Abberline. Votre boutique est magnifique. Vous vous en occupez seul ?

- Il n'y a pas de honte à ne pas connaître les fleurs... Moi-même, j'ai eu du mal et aujourd'hui encore j'ai beaucoup de lacunes ! Elles sont si complexes... Senteur, couleur, signification ne sont que des détails superficiels qui s'ajoutent à des critères comme l'ensoleillement, la terre, la période de floraison...

Hélianthème s'interrompit. Une nouvelle fois, il s'était laissé aller à discourir, ce que son oncle lui avait pourtant fortement déconseillé. En parlant de son oncle... Élie sourit à la jeune fille - Kat Abberline, se corrigea-t-il mentalement - avant de faire un geste de la main.

- Quant à cette boutique, elle appartient à mon oncle, moi je ne suis qu'un apprenti. Mais il a une santé fragile alors c'est souvent moi qui m'en occupe.

Il survola du regard les nombreuses fleurs qui occupaient le petit espace. Sa cliente avait l'air d'être étudiante, terme qui le rendit nostalgique le temps d'un petit regret. Il lui fallait donc des fleurs pas trop encombrantes, décoratives mais discrètes, ne demandant que très peu d'entretien.

- Pour ce qui est de votre chambre... Je serai tenté par vous conseiller les cactus, certains font des fleurs splendides, il ne prennent pas de place et ne sentent pas. Il leur fait juste un coin ensoleillé et de l'eau une fois de temps en temps, tous les deux-trois mois. Si vous préférez une plante moins agressive... Il y a les anthuriums, juste ici. La floraison dure longtemps, il faut juste les arroser une fois par semaine. Sinon, des hortensias, peut-être. Il y a aussi les bégonias, mais eux ne fleurissent pas, on les cultive surtout pour leurs feuilles. Ou, si vous ne voulez pas avoir à vous occuper d'une plante en pot, il y a ici tous les bouquets proposés.

Elle écoutait un peu admirative de ses paroles, il avait l'air passionné dans ce qu'il faisait, ce qui fit une fois de plus sourire la jeune fille. Lorsqu'il se mit à parler du possesseur de la boutique elle ne voulut pas poser trop de questions...

- Il peut être rassuré sur la manière dont vous traitez les clients, affirma-elle en souriant.

Elle observait le garçon en écoutant attentivement ses paroles, elle hochait la tête de temps à autre, tout en regardant les fleurs dont il était question. Lorsqu'il eut finit de parler des fleurs elle réfléchis.

- J'aime bien les cactus, mais je pense que je préfère les anthuriums, je les trouves jolis et pour s'en occuper ça devrait aller, j'ai plus ou moins de temps pour l'instant mais lorsque les cours reprendront je risque de ne plus trop pouvoir m'en occuper alors les arroser une fois par semaine je ne risque pas d'oublier, je pourrais le faire le week-end... J'aime beaucoup les plantes en pot ! Toutes vos plantes sont magnifiques, ajouta-elle. Merci beaucoup pour vos explications en tout cas

Il est vrai qu'elle parlait vite, elle prit sa respiration et continua plus calmement :

- Serait-il possible d'avoir des anthuriums s'il vous plaît ?

- Des anthuriums, tout de suite mademoiselle ! répondis Élie avec un sourire chaleureux.

Il transporta le pot jusqu'au comptoir où il l'emballa avec soin, pour protéger au mieux les fleurs blanches.

- L'anthurium réclame beaucoup de lumière, mais l'exposer directement au soleil pourrait la dessécher. Dans l'idéal, placez-la près d'une fenêtre mais pas directement devant. Pour ce qui est de l'arrosage, les weeks-ends devraient suffire ! L'avantage c'est que l'eau courante d'Edna n'est pas calcaire donc vous n'aurez pas à recueillir de l'eau de pluie. Quoi d'autre... Ah oui ! Nous sommes en pleine période de floraison, il faut donc l'humidifier régulièrement en vaporisant un peu d'eau sur elle tous les jours. Si vous avez les moyens, je peux vous vendre des billes d'argile. Ce sont des petites boules d'argile qui absorbent le surplus d'eau lors de l'arrosage, ce qui empêche l'asphyxie des racines, et restitue ensuite l'eau en séchant ce qui créé une atmosphère humide idéale. Attendez, je vous rédige toutes les instructions.

Le jeune homme s'empara d'une feuille et d'un stylo et coucha par écrit ce qu'il venait de dire de son écriture la plus lisible.

- Ah, j'y pense ! L'anthurium est une plante dépolluante très efficace, mais son parfum peut provoquer des migraines voire des allergies à la longue, alors aérez souvent votre chambre ! Ça fait un peu beaucoup de choses à penser... Mais les plantes sont comme les humains, elles ont besoin de soins et d'affection pour s'épanouir.

Il agrafa la feuille d'instructions à l'emballage avant de taper sur son clavier d'ordinateur.

- Si vous prenez les billes d'argile et le vaporisateur avec les fleurs, ça vous fera 45 Goldna tout ronds !

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