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Un air d'accordéon

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Hélianthème Katzenberg

Hélianthème Katzenberg
Age : 27
Situation professionnelle : Fleuriste

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MessageSujet: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyLun 23 Déc - 22:31

Longtemps, Hélianthème avait tenté de comprendre le bien fondé de certains interdits de sa religion. À force de réflexions, il était venu à la conclusion que la plupart n'avait pas ou plus lieu d'être et bien que très attaché à son héritage, il avait décidé que les règles les plus contraignantes, il ne les respecterait pas. Ne pas manger de cochon, aucun problème. Faire ses prières rituelles, idem. Mais ne rien faire à Shabbat... C'était plus fort que lui. Autant il appréciait le fait qu'il avait grâce à cela un jour de repos, mais à quoi bon ne pas aller au fleuriste le samedi si c'était pour ne rien faire d'autre ?

C'est pour cela que, malgré les réticences du rabbin, Hélianthème se trouvait au parc un samedi matin à jouer de l'accordéon.

Les températures étaient des plus délicates et les environs remarquablement déserts. Le jeune homme s'était posté non loin de l'arbre vénérable dont le feuillage chuchotait paisiblement avec son chromatique, s'était fait rapidement la main avant d'entamer quelques mesures de la Chanson d'Automne de Tchaikovsky. Le timbre si particulier de l'accordéon s'éleva au milieu du silence.

À force de l'entendre dans les rues, les bals-musettes ou les transports en commun, beaucoup de personnes avaient des préjugés sur cet instrument, le jugeant gémissant, disgracieux... Il fallait entendre la manière dont Élie jouait. Il était tombé sous le charme de cet instrument à la respiration lente comme celle d'un énorme animal endormi qui rythmait les fêtes juives d'airs klezmers. C'était la voix de ses ancêtres qui enflaient dans la poitrine de cuir, qui venaient sonner contre lui et en lui.
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Tony Rascal

Tony Rascal
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MessageSujet: Re: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyMar 24 Déc - 3:27

Le parc du centre ville était un lieu calme et plein de poésie ; on y trouvait généralement deux ou trois petites vieilles, assises sur les bancs à papoter ou nourrir les pigeons, quelques couples roucoulant sous les arbres à la manière des oiseaux cités précédemment, un certain nombre de passants promenant leurs canidés de compagnie, ou encore des cadres pressés n’ayant pas le temps de contourner le jardin.

De bon matin, un samedi, l’endroit était plutôt désert ; les grands-mères étaient là, fidèles au poste et habituées à se lever à six heures tous les jours, mais une bonne partie reste de la faune locale profitait du week-end pour faire une belle grasse matinée.

Ce n’était donc pas le lieu idéal pour quelqu’un venant faire la manche, me direz-vous ; et vous auriez parfaitement raison. Mais voilà, ce n’est pas parce qu’on est SDF qu’on ne peut pas s’accorder un petit temps libre le week-end ; à trop vivre dans une décharge malodorante, on en vient à rêver d’air frais, et quoi de mieux pour s’oxygéner l’intérieur qu’une sieste tranquille au pied d’un arbre, dans l’herbe encore humide de la rosée du matin ?
C’était là le plan de Tony pour cette belle matinée : se reposer au frais, au calme, loin des déchets, dans une pure sérénité et bercé par le gazouillement des oiseaux, avant une dure journée à essuyer l’indifférence des gens sur un quelconque trottoir.

C’est donc dans ce but qu’il arriva au parc, ce matin-là, son habituel sourire aux lèvres et la démarche enjouée. Tranquillement, il se posa près d’un arbre, sortant de sa poche une petite coupelle bleu pastel en plastique souple dont il se servait pour récolter quelque menue monnaie de la part des gens généreux. Il n’était pas venu ici dans l’espoir de se faire un peu d’argent, le coin étant bien trop désert à cette heure pour qu’il y ait des chances que quelqu’un s’arrête pour lui, mais il était un grand optimiste et préférait espérer que passer à côté de quelques pièces.
Fin prêt, il s’installa aussi confortablement que possible sur ce sol sale près de ce vieux platane et ferma les yeux, paré pour une petite sieste idéale pour débuter la journée et oublier qu’on a pas de quoi se payer un petit déjeuner.

Cependant, sa douce tranquillité fut brutalement rompue par un son inhabituel. Pas désagréable, non, mais tranchant nettement avec le gazouillement des oiseaux et la pure sérénité. Il se redressa d’un coup, tendant l’oreille et plissant les yeux bien qu’il n’y ait rien à voir, vieux réflexe dû à sa mauvaise vue. Il n’était pas professionnel musical, loin de là, mais tout cela ressemblait fort à de l’accordéon. Un large sourire fendit son visage, tandis qu’il se levait d’un bond. C’était pas banal, ça, et fatalement, cela l’intéressait.
Suivant son ouïe, plus fine que sa vue, il remonta jusqu’à la source du son, qui se trouvait être un jeune homme, installé proche de l’ancêtre des végétaux du parc. Un jeune homme qui jouait bel et bien de l’accordéon.
Tony resta d’abord à distance, pour l’écouter un peu ; son intervention risquait d’interrompre le jeune musicien, et il voulait d’abord profiter un peu de son talent. Ce n’était pas tous les jours qu’il pouvait écouter de la bonne musique ; les radios et autres mp3 ne faisaient pas partie des achats qu’il pouvait se permettre.
Finalement, enfonçant ses mains dans les larges poches de son imperméable troué, il s’approcha de l’artiste, plutôt discrètement contrairement à son habitude. Ce n’est qu’une fois suffisamment proche pour que ses yeux malvoyants lui permettent de distinguer le visage du jeune homme qu’il manifesta sa présence en interpelant l’inconnu d’un ton avenant et sympathique :


- Ben dis don’ p’tit gars, t’envoie du pâté avec ton machin, là ! J’t’aurais bien filé un p’tit sou pour t’prouver mon admiration, mais j’ai pas grand chose sur moi, navré… !

Sa dernière remarque était un poil ironique vis à vis de sa propre situation ; mais pour aborder les gens, mieux valait tourner en dérision ses problèmes, afin de moins les effrayer. Après tout, Tony avait vraiment l'air louche, d'un point de vue objectif. Véritablement intéressé par ce jeune musicien et enclin à l’écouter davantage si le jeune homme en question se montrait réceptif, il ne souhaitait pas le voir détaler comme un lapin devant l’étrange type puant qui venait l’aborder.
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Hélianthème Katzenberg

Hélianthème Katzenberg
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MessageSujet: Re: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyMar 24 Déc - 11:23

Hélianthème avait aperçu l'homme arriver, aussi évita-t-il de finir son morceau sur un couac majestueux quand ce dernier lui adressa la parole. Il improvisa rapidement une petite fin histoire de ne pas couper la parole à Tchaikovsky. Il posa son accordéon et relâcha ses bras en observant celui qui semblait tant apprécier son interprétation.

C'était une personne de haute stature avec un visage avenant, l'expression sympathique et le sourire aux lèvres. Mais son habillement hétéroclite et usé, allant de pair avec une odeur agressive auquel le jeune fleuriste n'était pas habitué et sa dernière réplique, dénotait un marginal. Avec un petit effort de concentration, Élie se souvint l'avoir vu plusieurs fois faire la manche, ou au campus quand il étudiait encore. Il était assez célèbre sur Edna d'ailleurs... Tony... Tony quelque chose.


- Merci beaucoup. Je suis heureux, pour une fois je ne dérange pas tout le monde avec mon accordéon ! Vous êtes bien Tony ? Votre nom de famille m'échappe. Je vous croisait parfois à l'Université. Et vous êtes venu faire la manche près de la boutique de fleuriste où je travaille un jour. Mon oncle vous avait offert un croissant et du café.

Tout ça lui était revenu sur le moment et acheva de le rassurer. C'était un chic type, agréable avec de la conversation, malgré son apparence louche. D'un geste, Hélianthème l'invita à s'asseoir puis sortit de son sac un couteau et ce qui ressemblait beaucoup à de la brioche.

- Comme nous sommes à Shabbat, ma mère a préparé de la challah. Vous en voulez ? C'est un pain aux oeufs sucré. De la brioche quoi.

Reprenant son accordéon, il entama un air qu'il connaissait tellement bien qu'il s'autorisait à faire la conversation en même temps. Lights & Shadows de Pizzigoni, compagnon indéfectible de toutes les musettes, remplaça la mélancolie du morceau russe.

- C'est une belle journée non ? Ça doit être agréable pour vous, encore plus que pour nous avec nos habits chauds et nos maisons... Avec l'hiver qui approche...
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Tony Rascal

Tony Rascal
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MessageSujet: Re: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyMar 24 Déc - 12:09

L’arrivée de Tony se voulait discrète, mais ne l’empêcha pas d’être rapidement repéré ; en même temps, dans un parc désert, dur de rater le grand dadet malodorant qui s’avançait de sa démarche mesurée. Évidemment, son approche peu subtile et son interpellation familière firent taire l’instrument, bien que le musicien prit toutefois la peine de conclure soigneusement le morceau qu’il jouait.
Commença alors un examen auquel Tony était habitué ; on plisse le nez, on plisse les yeux, et on observe l’étrange bonhomme qui s’amène. Ce n’était pas désagréable en soi, mais évidemment, le SDF avait conscience de son physique… particulier, et des jugements généralement négatifs qui ressortaient de ces observations. Cependant, il avait enterré sa honte depuis bien longtemps, c’était déjà un poids en moins.

Profitant de cet instant pré-conversation – ou pré-fuite, si le jeune homme prenait peur – Tony dévisagea également son interlocuteur, autant que lui permettait sa vue médiocre. Il n’était pas bien grand, surtout à côté de son imposant instrument, et paraissait avoir moins de la vingtaine, seize ans tout au plus. Et, étonnant, il ne semblait pas plus rebuté que ça par la présence de Tony.
Au contraire, une fois le petit échange de regard d’usage terminé – quelques secondes, même pas – un flot de paroles s’envolant de la bouche du jeune homme, qui l’invita à s’asseoir et sorti même de la nourriture, visiblement prêt à partager, tout en expliquant de quoi il s’agissait, avant de reprendre son instrument pour commencer à parler de la pluie et du beau temps.

Resté ahuri devant une telle vivacité soudaine, étonnante de la part du musicien solitaire que Tony avait cru du genre distant, voir timide, notre brave SDF resta un instant à afficher un air un poil débile, avant de partir dans un grand éclat de rire joyeux.

-
Eh ben dis don’, t’es du genre bavard, toi, en fait ! Si j’m’attendais à ça !

Au moins, cela lui faisait un peu de compagnie ; mais tout de même, il était bien rare que les gens l’invitent d’eux-même à partager un peu de leur temps et lui adressent la parole avec tant d’enthousiasme. Ce genre de comportement amical et chaleureux n’était pas pour déplaire à notre brave SDF, qui offrit un sourire éclatant à son bienfaiteur du matin.

-
Moi qui v’nais juste écouter un peu d’musique, v’là qu’on m’offre un p’tit déj’ner et une voix chantante avec qui discuter ! Ben écoute, j'vais pas cracher sur ta générosité, hein… ! Merci, p’tit gars, ça fait plaisir d’rencontrer des types comm’toi.

Il observa la brioche et le couteau, très tenté, mais n’osa pas vraiment poser ses mains sales sur une nourriture à partager et décida donc d’attendre que le jeune homme s’occupe de couper leur en-cas.
En attendant, il observait le jeune homme de ses yeux pétillants bien que malvoyants, un sourire amusé aux lèvres.

-
Ça m’étonne qu’tu m'connaisses, p’tit gars. J’savais pas qu’j’étais une star, tiens ! Et donc toi, t’es l’fleuriste ? C’est fou, j’me souviens pas d’ta frimousse ! Pourtant j’passais pas mal d’temps près d’ta boutique, fut un temps… C’est quoi ton nom ?

Il préférait s’intéresser à son interlocuteur que de relever sa remarque sur le temps qu’il faisait ; il n’avait pas spécialement envie de se faire plaindre et allait donc se garder d’évoquer l’hiver, forcément inquiétant, qui approchait à grand pas.
Et puis, découvrir un peu cet étrange jeune homme si avenant était mille fois plus passionnant que disserte sur la température… !

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Hélianthème Katzenberg

Hélianthème Katzenberg
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MessageSujet: Re: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyMar 24 Déc - 14:00

- Élie. Élie Katzenberg. Comme le prophète de la Bible.

C'était devenu un vrai réflexe. Mon nom est Élie. Mon nom ? Élie. Enchanté, je m'appelle Élie. Il n'y avait guère plus que sa famille, le rabbin, les autorités et ses amis proches pour l'appeler Hélianthème. Ce n'était pas un nom facile à porter, qui soulevait beaucoup de questions parce qu'original et inusité. À un niveau plus intime, l'origine de ce nom réveillait des fantômes du passé, des souvenirs très douloureux.

Une vie pour une autre.


- Quant au fleuriste, j'y travaille depuis un an comme apprenti. Officiellement c'est mon oncle qui s'en occupe. Impossible de l'oublier, lui - un géant de plus de deux mètres !

Le morceau était fini. Élie hésita - devait-il enchaîner sur un autre de son répertoire ? Il était bien tenté de se lancer dans une Gymnopédie de Satie, mais comme il avait invité le bohmer à manger et que celui-ci devait avoir faim, ce n'était pas très poli. Il posa soigneusement l'accordéon à côté de lui, à l'abri de l'humidité de l'herbe et coupa la brioche juive en parts généreuses. Il prit la plus fine et la mangea lentement, les yeux perdus dans le vague. Sa mère était vraiment une bonne cuisinière. La challah était moelleuse et aérée, sucrée au miel.

Il regarda son compagnon se servir à son tour. Ce samedi matin lui semblait tellement irréel qu'il avait spontanément accueilli Tony sans autre forme de procès. En temps normal, il n'aurait pas été jusque là. Il était certes un garçon généreux et altruiste, parce que d'après lui, la douloureuse histoire du peuple juif était une leçon dont la morale était "aide ton prochain", en honneur aux courageux qui s'étaient dressés contre les nazis en secourant de pauvres gens dont le crime était la naissance. Mais il restait avant tout un jeune surdoué aux peurs irrationnelles, naturellement inquiet, dont le décrochage scolaire avait accentué la timidité.


- C'est très étrange, vous savez. Je ne suis pas une personne bavarde d'habitude. Rebbe fon Stutz, comme on dirait en yiddish, c'est inexplicable ! dit-il avant de rire. Mais je sais que vous n'êtes pas une mauvaise personne, juste un shlimazel, un malchanceux.

Il déglutit et essuya ses doigts sur une serviette, avant de se tourner pour regarder franchement Tony dans les yeux.

- Vous savez, j'ai toujours été stupéfait par votre condition. À mes yeux, Edna a toujours été die goldene medina, le pays doré. Nous y vivons paisiblement, à l'écart du monde. C'est dur de trouver quelqu'un qui s'y déplaise. Je pensais vraiment que cette île était exempte de personnes malheureuse ou dans le besoin...
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Tony Rascal

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MessageSujet: Re: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyMar 24 Déc - 16:16

Le petit fleuriste avait un joli nom dont Tony n’aurait certainement pas relevé la référence biblique, faute d’avoir lu la Bible. Il se contentait de juger à la sonorité, et c’était suffisamment simple et sympathique pour lui plaire. Il trouvait même ça un poil féminin, mais comme son interlocuteur était plus du genre petit maigrichon que gros grudu poilu, cela ne détonnait pas vraiment et s’accordait même plutôt bien.

Une fois encore, le jeune homme avait ouvert les vannes et déversait son flot de paroles ; Tony le laissait donc finir sans l’interrompre, se contentant de sourire légèrement, amusé, lorsque l’autre prétendit ne pas être du genre bavard.
L’artiste avait d’ailleurs cessé de jouer de son instrument ; Tony en fut d’abord déçu, puis, quand il constata que la musique avait été abandonnée au profit de la nourriture, son avis changea du tout au tout. Ce brave type ressemblait limite à un vieux chien abandonné, observant Élie couper la brioche avec des yeux brillants d’impatience ; il aurait remué la queue en tirant la langue comme un animal que cela n’aurait pas été choquant.
Voyant que son bienfaiteur prenait la part la plus fine, il retint ses instincts primaires et choisit de prendre une part intermédiaire, ni trop grosse, ni trop petite, histoire d’éviter de passer pour un gros profiteur… bien que c’était exactement ce qu’il était. Il la saisit délicatement, du bout de ses doigts sales, se montrant étonnamment délicat, pour un type aussi crado.
Il écoutait donc son compagnon parler, tout en goûtant à ce cadeau inespéré… et il ne fut pas déçu. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas eu l’occasion de manger quelque chose d’aussi bon, et surtout, de fait maison. Il tenta tant bien que mal de cacher son enthousiasme, mais son visage avait tout de celui d’un gosse à qui aurait filé des friandises.

Cependant, Élie abordait des sujet « sérieux », à savoir les conditions de vie de Tony. Ce dernier fut surpris par la manière dont son compagnon improvisé en parlait, et secouait légèrement la tête, négativement, pas vraiment d’accord avec ce que disait le jeune homme. Toutefois, pour éviter de passer pour un trop gros crasseux, il prit soin de finir sa part et d’avaler avant d’ouvrir la bouche.

-
Dis don’, t’as une vision super négative, p’tit gars… ! J’suis pas un shim… un shliza… un machin, comme tu dis dans ton charabia, là ! J’suis pas du tout malchanceux ! R’garde, j’mange d’la bonne brioche, j’suis en bonne compagnie, il fait beau et tu nous joues un peu d’musique. C’est pas d’la chance, ça ? J’ai pas à m’plaindre, vraiment !

L'optimiste de Tony pouvait être réellement stupéfiant, parfois ; il semblait presque inconscient de la gravité de sa propre situation et semblait trouver le moyen de tout voir positivement. Il rit d'ailleurs légèrement, puis lécha soigneusement le bout de ses doigts collants avant croiser les bras derrière sa tête, levant les yeux vers le ciel. C’est avec un grand sourire rêveur aux lèvres qu’il poursuivit :

-
J’me déplais pas sur c’t’île, tu sais ? C’t’un bon p’tit coin d’paradis. J’peux pas nier que j’suis dans l’besoin, c’est clair, mais on peut pas dire qu’j’suis malheureux. Y a pas mal de gens sympa comme toi, dans l’coin ; c’est pas d’main la veille que j’vais crever au fond d’un caniveau, j’te l’dis ! Alors ouais, c’est sûr, j’ai pas d’baraque, pas d’bagnole, pas d’grande vie… mais j’vis, et c’est d’jà pas mal, non ? J’m’en contente bien.

Il tourna la tête vers son camarade pour lui offrir un de ses sourires lumineux quoique imperceptiblement mélancolique.

-
T’as pas à t’en faire pour l'vieux Tony, p’tit gars. J’assume mes choix avec optimisme.

Il secoua alors légèrement la tête pour chasser de son esprit quelques pensées auxquelles il ne voulait pas prêter attention à cet instant, et lorgna alors à nouveau vers la brioche, hésitant à en prendre une seconde part, mais préféra s’abstenir, attendant de voir si le jeune homme allait, lui, se resservir. Histoire de détourner le sujet, il reprit du début :

-
Sinon, Élie, c’est chouette comme nom. C’est pas banal, mais c’est joli. Ça t’va bien, quoi ! Et ouais, maint’nant qu’t’en parles, j’m’en rappelles d’ton tonton fleuriste ! J’avais un peu causé avec lui, ‘pis il s’était montré très généreux. C’t’un type bien, j’pense. A croire que c’est d’famille, hein ? Haha ! Mais tout d’même, il avait plus une tête de boucher que d’fleuriste ! T’as plus le profil du métier, j’trouve... !
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Hélianthème Katzenberg

Hélianthème Katzenberg
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MessageSujet: Re: Un air d'accordéon Un air d'accordéon EmptyDim 8 Juin - 22:17

(Est-ce que j'ai sérieusement 6 mois de retard ?... Oh mon Dieu, je me consume de honte...)

- Dis don’, t’as une vision super négative, p’tit gars… ! J’suis pas un shim… un shliza… un machin, comme tu dis dans ton charabia, là ! J’suis pas du tout malchanceux ! R’garde, j’mange d’la bonne brioche, j’suis en bonne compagnie, il fait beau et tu nous joues un peu d’musique. C’est pas d’la chance, ça ? J’ai pas à m’plaindre, vraiment ! J’me déplais pas sur c’t’île, tu sais ? C’t’un bon p’tit coin d’paradis. J’peux pas nier que j’suis dans l’besoin, c’est clair, mais on peut pas dire qu’j’suis malheureux. Y a pas mal de gens sympa comme toi, dans l’coin ; c’est pas d’main la veille que j’vais crever au fond d’un caniveau, j’te l’dis ! Alors ouais, c’est sûr, j’ai pas d’baraque, pas d’bagnole, pas d’grande vie… mais j’vis, et c’est d’jà pas mal, non ? J’m’en contente bien.

Hélianthème regardait Tony. Et pour la première fois il arrêta de le regarder, et il le vit. Il vit ce qu'était vraiment cet homme que jusqu'ici il considérait à travers son voile d'idées préconçues sur les conditions de vie des SDF. Il vit un homme heureux, un homme qui acceptait son sort et qui savait en tirer le bon, le beau et le bien. Une personne courageuse, plus courageuse que n'importe qui. Une personne de fer avec un coeur d'or.

- Je... Vous... Je suis désolé. Vous avez raison. Vous savez, on est tellement formatés par notre milieu, notre famille, la société, l'école... Vous avez tellement raison, monsieur. Tellement raison. Tenez, prenez encore de la brioche. Ne faites pas de manières, mangez ce que vous voulez comme vous voulez. Je vois bien que vous vous retenez. Moi j'en aurai plein chez moi.

Il poussa la pâtisserie vers son invité pour accentuer ses paroles, en souriant, avant de se lever pour se dégourdir les jambes et s'étirer. Le sol herbeux n'était pas d'un confort inoubliable !

- C'est vrai que mon oncle a un physique impressionnant. Mais vous devriez le voir s'occuper des fleurs ! Il est d'une délicatesse... C'est une personne très douce, précautionneuse...

Et fragile physiquement. Ce géant qu'était son oncle avait une santé des plus fragiles après son AVC, 17 ans plus tôt, sujet d'inquiétudes pour toute la famille. Mais depuis peu tout allait pour le mieux et Élie priait pour que cela dure.

Le jeune homme fit quelques pas, les mains dans les poches, profitant du soleil sur son visage. Il n'était pas tout à fait minuit et la température allait en se réchauffant. Il allait bientôt devoir rentrer chez lui pour le déjeuner. Mais il était si bien dehors ! Il revint vers Tony, se rassit et cala son instrument sur ses genoux.


- Vous voulez que je vous joue quelque chose ? Je ne vais pas tarder à prendre congé de vous et j'aimerais bien vous dédier un morceau. Pour vous remercier de m'avoir ouvert les yeux et pour vous souhaiter bonne chance.
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