- Et voilà jeune homme ! Ça a pris un peu plus de temps que prévu. C’est une drôle de clef que vous avez là, on dirait une…
- Merci beaucoup ! Vous m’excuserez, je suis pressé. Voici l’argent, le compte est bon. Bonne soirée !
Hélianthème sortit de la boutique du serrurier et s’éloigna à grand pas, le nez enfoui dans son écharpe. Il sortit le double que venait de lui confectionner l’artisan et la compara à l’original. Sans surprises, elles étaient parfaitement identiques. Le jeune homme sourit, le cœur battant d’excitation.
Une heure auparavant, son père était rentré de son travail à l’Université d’Edna. En descendant l’accueillir, Élie l’avait entendu parler avec sa mère et c’est ainsi qu’il avait appris que la porte donnant accès au toit avait changé de serrure, pour plus de sécurité. Information des plus précieuses pour quelqu’un qui aimait se promener sur les toits de la ville aux heures les plus indues…
Comme toute personne surdouée, Hélianthème n’avait pas ses yeux dans sa poche et il connaissait depuis longtemps le bureau de son père par cœur. Profitant du moment où sa mère s’occupait d’Alice et son père sortait cueillir les tomates, Hélianthème se glissa dans la cuisine et cacha le pain. Puis il s’infiltra dans le bureau paternel, ouvrit le troisième classeur bleu en partant de la droite et récupéra la nouvelle clef, dissimulée à l’intérieur.
- Zut, j’étais persuadé qu’il restait une miche quelque part… Hélianthème ? Tu peux aller chercher un pain aux céréales à la boulangerie ?
- Mais, taten, je suis en plein milieu d’un chapitre là… Julia ne peut pas y aller ?
- Ta sœur ne mange pas ici ce soir.
- Bon bon, j’y vais….
- Et dépêche-toi ! On passe à table dans une demi-heure !
Et c’est comme ça qu’Élie se trouva en possession du sésame ouvrant le toit de son ancienne école. Il s’arrêta à la boulangerie acheter le pain et un sachet de bonbons pour son usage personnel et courut jusqu’à chez lui.
Plus tard, une fois assuré que tout le monde dormait, il ouvrit son vasistas pour escalader son toit et de là descendre dans le jardin grâce à l’échelle qu’il avait pris soin d’installer. La nuit était fraîche. Arrivé dans la cour, il sortit son trousseau frauduleusement obtenu pour entrer dans l’internat, qui n’avait pas d’alarme. Il s’efforça de faire le moins de bruit possible en passant devant les chambres et, en circulant un peu à l’aveugle dans les bâtiments, trouva l’escalier menant au toit, qui s’ouvrit comme prévu.
La lune brillait haut maintenant. Le toit… C’était vraiment la seule chose qu’Hélianthème regrettait. D’ici la vue était si belle ! Il s’allongea par terre et ferma les yeux. Plusieurs minutes passèrent ainsi, en silence. Au moment où il allait s’endormir, des pas sortirent le fleuriste de sa torpeur. Quelqu’un montait et il n’avait pas verrouillé derrière lui !
- A broch, je n'avais pas prévu ça. Tant pis, es iz tsu shpet, c'est trop tard.
Silencieusement, il se mit debout et se faufila dans un recoin sombre, juste au moment où la porte s’ouvrait.