J'aime beaucoup passer à la cafétéria durant la matinée, généralement aux alentours de 10h, histoire de prendre un chocolat à peine chaud.
Ce matin là, j'arrivais à court de cigarettes chocolatées : raison de plus pour passer au point de restauration. C'était Julien qui tenait la caisse, aujourd'hui. Il m'accueillit d'un large sourire fatigué.

- On vient refaire le plein de chocolat ?

J'acquiesçais et sortais de la monnaie de mes poches de jean.

- Un chocolat tiède aussi, s'il-te-plaît.
- Pour Noël, on a des cigarettes fourrées à l'orange, ça te dit ?

Je regardais Julien avec des yeux ronds. Comment refuser une telle offre ? Je hochais la tête et posais l'argent sur le présentoir à cet effet. Il recompta et alla chercher mon lait chocolaté et les fameuses cigarettes à l'orange.

- Voilà.
- Merci ! Tu es bientôt en vacances, non ?
- Ouais, j'en suis bien content ! C'est dur, la fin de l'année... Mais c'est la dernière journée là, je tiens bon.
- Bon courage alors et puis à l'année prochaine du coup, souriais-je avant de m'éloigner pour aller m'installer à l'une des tables qui habillaient le lieu.

Je n'attendis pas d'être assis pour ouvrir ce nouveau paquet de friandises et y goûter. J'aperçus à peine la fille près de la fenêtre. A vrai dire, je ne l'avais pas remarquée jusqu'à ce qu'elle émette un grognement. Je tournais vivement la tête vers elle et constatais qu'elle avait taché sa veste avec une boisson chaude. Je me levais précipitamment, serviette à la main pour la lui donner.

- Ça va aller...?

Je regardais l'étudiante essuyer sa veste, très intrigué par la manière dont elle comptait faire disparaître la tâche juste en la frottant avec sa serviette en papier. Peut-être qu'avec de l'eau, elle aurait moins de mal à nettoyer son vêtement. Le sel sinon. Je crois que ça fonctionne sur les tâches de vin rouge. A en voir la couleur de la serviette précédemment utilisée, puis l'odeur de ce qu'il restait dans le gobelet, j'en conclus qu'il s'agissait de chocolat. Est-ce que le sel enlève les tâches de chocolat ? Je n'en sais rien... Ce que je savais, c'était que le sucre collait, et à la vue des morceaux de papier blanc qui s'attachaient au tissu, l'eau me semblait pour le moment être la meilleure chose que l'on puisse utiliser sans crainte d'effets secondaires.

- Il faudrait peut-être essayer de frotter avec de l'eau...

Je m'apprêtais à aller en demander un verre à Julien, mais la question qu'elle m'avait posé arriva à cet instant jusqu'à mon cerveau. Je ne savais pas quand elle l'avait posée, si ça faisait quelques secondes ou bien plus d'une minute.

- Sinon, Serei. Enfin... "Ser" comme "cerf" et "ey" comme dans..."hey"... Sauf qu'il n'y a pas de "y" à la fin, c'est un "i". Et que la première lettre, c'est un "s" et non un "c", et qu'il n'y a pas de "f" dans mon prénom.

Je continuais de regarder la tâche contre laquelle elle se battait, tout en finissant de boire mon chocolat.

Je souris légèrement en essayant de maintenir mon attention sur la jeune fille, mais je crois que j'étais fatigué ; je pensais d'un coup à beaucoup de choses, puis à rien... Finalement, je ne saurais dire si je pensais beaucoup ou pas du tout. Je hochais la tête et m'apprêtais à dire quelque chose. Je crois.

- ... Oui, voilà, un petit passage en machine...

Je me frottais les yeux et finis par avouer que j'étais très certainement un peu fatigué pour être si lent, bien que la lenteur fasse partie de mon quotidien.
Un long silence...

- Assieds-toi, dis-je en prenant une chaise et en la décalant, de sorte à ce qu'elle puisse s'installer sans gêne. Je vais chercher un autre chocolat.

Sans lui laisser le temps de répondre ni d'attendre qu'elle se soit assise, j'allais redemander une boisson chaude à Julien, qui soupira à moitié en rigolant, avant d'aller rallumer la machine à café. Je cherchais l'argent nécessaire dans les poches de mon pantalon, puis dans celles de ma veste... Quarante centimes, ça devrait pas être si difficile à trouver... Je sortais les petites pièces et les déposais en vrac sur le présentoir... Cinq...et dix...encore dix...

- Voilà ! Quarante centimes...

Je levais la tête vers Julien qui me décocha son sourire fatigué et qui retourna à sa préparation de chocolat juste après. J'en profitais pour recompter rapidement la monnaie et attendis les mains dans les poches que Julien m'apporte le résultat de ma demande. Ceci fait, je le remerciais discrètement d'un sourire et apportais le gobelet à la demoiselle dont je ne me souvenais pas du prénom. A moins qu'elle ne me l'ai pas donné...

- Tiens...